"Vincent van Gogh à Auvers."
Comme son titre l'indique, ce livre est consacré aux dix dernières semaines de la vie de Vincent van Gogh, qui furent également les plus productives.
"Encore un livre sur van Gogh !" vous direz-vous. Oui, encore un ... Mais celui-là est, je crois, différent.
Si la production littéraire autour d'un personnage aussi célèbre que Vincent van Gogh est considérable, elle n'est pas toujours à la hauteur de son sujet !
Certains auteurs n'ont pas d'autre qualité que d'avoir envie d'écrire un livre sur van Gogh ... D'ailleurs pourquoi pas ? C'est vrai. Mais il faut reconnaitre qu'en général cela n'apporte pas grand chose à la recherche sur le peintre, car la plupart du temps ces ouvrages consistent en une compilation des légendes, erreurs, préjugés, approximations rédigés par d'autres ...
Cette remarque vaut également et malheureusement pour nombre de livres d'Histoire.
Enfin passons.
Tout d'abord, "Vincent van Gogh à Auvers" se démarque de la production habituelle parce qu'il est écrit deux spécialistes du peintre, en réalité LES spécialistes de la question : Wouter van den Veen, conseiller scientifique du musée van Gogh d'Amsterdam, directeur de l'institut van Gogh d'Auvers, entre autres titres, et Peter Knapp, plasticien, cinéaste (Moi, van Gogh) et déjà rédacteur d'ouvrages sur la peinture. Des "pointures" donc !
D'autres part, l'approche de l'histoire de l'Art choisie par les auteurs est nettement différente de ce qu'on peut lire habituellement. Ici, l'interprétation, la lecture a posteriori, la subjectivité est réduite au minimum. Ce ne sont pas des psychanalystes d'occasion qui s'expriment, ni des commentateurs béats ou des littérateurs verbeux, encore moins des adorateurs inconditionnels, mais bien des enquêteurs, rigoureux, impartiaux, critiques. Bref, scientifiques (voilà je l'ai dit).
Un petit exemple : ils n'hésitent pas à déprécier une toile exposée au musée des Beaux Arts de Lille ("Les vaches"), se demandant carrément "si elle aurait fini dans un musée si elle n'avait pas été attribuée à van Gogh".
Il se trouve que j'ai vu cette toile à Lille dans les années 80 et qu'elle m'avait effectivement fait ... mal aux yeux !
Plus loin, les auteurs prennent le contrepied de la légende selon laquelle van Gogh n'a jamais vendu de tableaux de son vivant. Ils affirment au contraire qu'il les a tous vendus ... à un seul et unique client, collectionneur averti, marchand d'art connu et reconnu sur la place de Paris et à l'international : son propre frère, Théo van Gogh.
L'argument peut sembler spécieux, mais à y bien réfléchir ...
Le reste à l'avenant.
Passionnant, vous dis-je !
L'ouvrage est divisé en trois parties :
Le premier tiers détaille la biographie de van Gogh dans ses 70 derniers jours, en s'appuyant sur les nombreuses lettres échangées par Vincent et Théo. Les commentaires érudits sont passionnants. On pourra peut être regretter que l'iconographie de cette partie ne consiste qu'en de petites vignettes dont il faut aller chercher la légende en fin de volume.
La deuxième partie, la plus vaste, est un catalogue complet des œuvres peintes par van Gogh à Auvers/Oise. Avec commentaires bien sûr et parfois une photo ou une carte postale, d'époque, du sujet du tableau.
La troisième partie est consacrée à Johanna Bonger, épouse et bientôt veuve de Théo van Gogh, qui se retrouve ainsi la seule héritière du peintre ...
Un très beau bouquin !